Analyse : une vague de saisies est-elle possible en 2021 sur le marché immobilier résidentiel américain ?
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Suite à la crise exceptionnelle qui a frappé en 2020, l’état du marché immobilier résidentiel divise l’opinion. En effet, l’inconscient collectif est resté marqué par la crise des subprimes de 2008, et certains voient l’année 2021 comme une correction majeure pour le marché immobilier résidentiel américain. Comme nous l’avons expliqué dans notre article précédent intitulé Crise du Covid vs crise des subprimes, quelles différences ?, la situation actuelle est fondamentalement différente de celle de 2008.
Aujourd’hui, l’inventaire de bien disponible est à son plus bas niveau historique, les taux hypothécaires ont atteint leur niveau le plus bas plus de 13 fois cette année, et les analystes de la National Association of Realtors prévoient que ces conditions entraîneront une nouvelle hausse de 8 % du marché du logement l’année prochaine. Mais d’un autre côté, les abstentions de paiement des prêts hypothécaires sont à la hausse, davantage de locataires ont pris du retard dans leurs paiements et certains économistes prédisent une vague de saisies pour 2021.
Dans cet article, nous allons analyser des données factuelles afin de faire un point sur la situation actuelle du marché immobilier résidentiel, et de voir si une vague de saisies est envisageable ou non dans les mois à venir.
Un stock de logements disponibles à la vente historiquement bas
Récemment, la “National Association of Realtors” a lancé une enquête auprès de 20 des meilleurs experts américains en matière d’économie et de logement. Le résultat est surprenant : les prix du logement connaîtraient une augmentation de 8 % en 2021.
En regardant les chiffres, il y a quelques facteurs qui peuvent en effet contribuer à pousser les prix encore plus loin. Le plus notable est le manque d’inventaire disponible à la vente. il a été récemment enregistré que le nombre de maisons actuellement mises en vente sur le marché est à son plus bas niveau jamais enregistré depuis près de 40 ans.
Ce type de calcul est généralement effectué sur la base de ce que l’on appelle l’offre mensuelle de stocks, qui tient compte du volume des ventes, du nombre de maisons actuellement sur le marché et du temps qu’il faudrait pour acheter toutes ces maisons. Par exemple, nous avons pu constater que tout au long des années 1990, il y avait entre six et dix mois de stock sur le marché, ce qui signifie que si toutes les maisons cessaient soudainement d’être répertoriées, il faudrait entre six et dix mois à tous les acheteurs pour acheter toutes les maisons jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Puis, dans les années 2000, ce chiffre a régulièrement chuté à cinq mois d’offre, car de plus en plus de gens achetaient des maisons, et bien sûr, lorsque le marché du logement s’est effondré et que les saisies ont été partout, l’inventaire a augmenté pour atteindre dix mois d’offre.
Aujourd’hui, en 2020, nous nous trouvons à un niveau record de 2,4 mois d’offre, le niveau le plus bas jamais atteint. Mais il est évident que l’une des principales raisons de l’absence d’inscriptions est que la pandémie a mis les propriétaires sous pression. En effet, l’incertitude économique et la pandémie a incité à retarder la vente des maisons, jusqu’à ce que les choses se calment. Les mesures sanitaires ont aussi fortement ralenti les transactions.
Autre facteur important, la construction de logements neufs a été fortement ralentie pendant la pandémie, et les nouveaux stocks arriveront en décalage. De plus, les nouvelles normes de construction couplées à l’augmentation des prix des matériaux et du foncier augmentent les prix de vente de ces logements.
Des taux d’intérêts historiquement bas
En plus des faits énoncés plus hauts, le marché est confronté à d’autres facteurs qui contribuent grandement au manque d’inventaire, le plus important étant les taux d’intérêt très bas. Les taux sont maintenant au niveau historique de 2,7 % sur une hypothèque standard à taux fixe de 30 ans. Si l’on se réfère à l’année dernière, les taux d’intérêt se situaient autour de 3,7 %, ce qui signifie qu’ils étaient environ 40 % plus élevés que ceux que nous observons aujourd’hui.
Cette différence est extrême et peut être facilement illustrée par un exemple. Un prêt hypothécaire de 300 000 $ à 3,7 % d’intérêt vous coûterait 925 $ par mois d’intérêts. Mais avec un taux d’intérêt de 2,7 %, ce même prêt ne vous coûtera plus 675 dollars par mois d’intérêts. Cela signifie que la différence entre 2,7 et 3,7 % sur un prêt hypothécaire de 300 000 dollars vous permet d’économiser près de 250 dollars de plus par mois.
Cette situation exceptionnelle est entrain de faire exploser la demande d’achat de logement. Une enquête a révélé que plus de la moitié des acheteurs estimaient que le moment était propice à l’achat en raison des taux d’intérêt hypothécaires incroyablement bas. Il n’est donc pas surprenant qu’une grande partie des gens achètent une maison et bloquent ces taux d’intérêt tant qu’ils le peuvent encore. Ainsi, entre des taux d’intérêt bas, un inventaire réduit et une forte demande, les conditions sont réunies pour que les prix de l’immobilier augmentent anormalement plus vite que d’habitude. D’autant plus que la Réserve fédérale a déclaré qu’elle n’augmenterai pas les taux d’intérêts.
À moins qu’une grande partie du marché ne décide frénétiquement de mettre leurs maison en vente, il est peu probable que la situation change en 2021.
Quelle est la proportion de biens immobiliers résidentiels à risque de saisie ?
Certains économistes parlent d’une potentielle vague de saisies qui pourrait s’abattre en 2021 sur le marché résidentiel.
L’argument principal de cette théorie est la reprise en forme de “K”, ce qui correspond à une reprise très inégale en fonction des classes sociales et des secteurs d’activités. En d’autres termes, certaines personnes voient leur richesse et leurs revenus monter en flèche, lorsqu’une autre partie de la population voit ses revenus baisser drastiquement et des entreprises fermer massivement.
Des économistes affirment que cette reprise va frapper le plus durement les propriétaires à faibles revenus, et c’est là que nous allons assister à une vague de saisies immobilières.
Certains chiffres annoncent notamment que 10 % des 8 millions d’hypothèques familiales garanties par la “US Federal Housing Administration” sont en souffrance depuis plus de trois mois. Et aujourd’hui, les saisies sont temporairement gelées par le gouvernement jusqu’en 2021. En théorie, cela signifierai que 800 000 maisons pourraient être saisies. Pour avoir une idée de la gravité de la situation, étudions un peu plus en détail les donnés historiques.
Au premier septembre 2018, le taux de prêts sérieusement en retard était d’environ 3,7 %, et de manière générale, 8 à 9% des prêts de la FHA ont été en retard de paiement de 30 jours ou plus.
Nous constatons donc que les prêts FHA avec plus de 90 jours de retard sont plus du double de ce qu’ils étaient il y a deux ans. Mais étant donné qu’historiquement, près de 4 % de tous les prêts FHA ont plus de 90 jours de retard dans les paiements et la facilité avec laquelle il est possible de faire une demande d’abstention de paiement, la situation est tout de même à relativiser.
D’après le “National Multifamily Housing Council”, en novembre 2020, 93,6 % des locataires avaient payé la totalité du loyer pour le mois, ce qui représente une légère baisse par rapport aux 95,2 % de l’année précédente. Les propriétaires de biens résidentiels locatifs ne semblent pas grandement en danger pour l’instant.
En ce qui concerne les saisies, la société de données “Black Knight” a récemment déclaré qu’environ 50 millions de propriétés résidentielles sont soumises à une hypothèque. D’après la “Mortgage Bankers Association“, près de 5.83% de ces propriétés font l’objet d’un plan d’abstention de remboursement d’hypothèque, ce qui touche environ 2,915 millions de ménages.
La société de données “Corelogic” a constaté que seulement 3 % de toutes les propriétés soumises à une hypothéque sont aujourd’hui en grande difficulté. De plus, avant d’être saisie par la banque, la propriété va d’abord être mise en vente sur le marché. Une fois la vente réalisée, le vendeur achètera probablement dans un quartier moins cher, ou bien retournera sur le marché locatif.
Conclusion
Dans l’ensemble, une vague nationale de saisies qui entraînerait le marché immobilier résidentiel vers le bas est peu probable pour l’année 2021. De plus, étant donné que le marché de la construction a été fortement ralenti par la pandémie, il est peu probable qu’un excès d’inventaire entraîne une forte baisse des prix immobiliers dans les mois à venir.
Il est plus probable que la forte demande d’achat de maisons se poursuive en 2021, étant alimentée par les gens qui ont essayé d’acheter cette année mais n’ont pas pu le faire. En vue des chiffres énoncés, il parait probable que les prix de l’immobilier résidentiel augmentent progressivement, mais pas partout. En effet, les États tels que la Floride qui attirent de plus en plus d’américains pour son climat, son cadre de vie, sa fiscalité et son marché de l’emploi, réagiront beaucoup mieux que des États du Nord qui se vident progressivement de leur population.
Ce qui est certain, c’est que cette situation est très différente de celle que nous avons connu en 2008, qui était due à des prêts hypothécaires à taux variables non viables auxquels pouvait avoir recours des prêteurs précaires. Aujourd’hui, la valeur nette des logements est plus élevée que jamais, les acquéreurs sont qualifiés, et les taux d’intérêt sont bloqués à des niveaux bas jamais atteints auparavant.
Sources : Mortgage Bankers Association, Corelogic, Black Knight, National Multifamily Housing Council.
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