Analyse : ce que nous savons de l’impact du COVID-19 sur le marché immobilier résidentiel américain et ce que les experts attendent pour 2020.
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Points clés :
- Malgré des taux hypothécaires historiquement bas, les transactions immobilières se font plus rares.
- Lors de l’épidémie de SRAS en 2002, l’activité immobilière avait chuté rapidement dans les zones touchées en Chine avant de repartir à la normale une fois la situation terminée.
- De nombreux vendeurs ont retardé leurs projets, mais certains ne peuvent pas attendre. Les agents estiment leurs biens à des prix raisonnables pour limiter leur durée sur le marché, car de nombreuses maisons reviendront sur le marché à la fin du confinement.
- En cas de récession, le segment locatif du parc ancien abordable va subir une demande renforcée par les propriétaires en défaut et les locataires aisés en difficulté. De plus, les locataires avec un projet d’achat ne vont pas pouvoir le concrétiser. Un impact positif sur les loyers est donc possible.
- Les locataires les plus fragiles économiquement seront les plus affectés par la crise du COVID-19 qui entraîne la perte de nombreux emplois. Ils risquent de ne pas pouvoir honorer leurs loyers, mettant en péril les propriétaires dans les zones défavorisées.
- Si la crise se prolonge, l’industrie de la construction sera en difficulté : les ouvriers risquent se détourner de ce secteur entraînant une raréfaction de la main d’œuvre (comme durant la Grande Récession), les banques vont financer moins de projets, et les petites entreprises (qui représentent 91% des acteurs) vont être durement affectées.
- L’immobilier de luxe ainsi que les segments sensibles (zones sinistrées et/ou quartiers à forte délinquance) risquent d’être fortement impactés à long terme lorsque le « middle market » devrait beaucoup mieux résister à une période de récession prolongée.
Constat actuel du marché immobilier résidentiel aux États-Unis :
La crise du COVID-19 commence à véritablement réduire l’activité d’achat et de vente immobiliers aux États-Unis : entre autres, le confinement et la distanciation sociale ont limité les visites et les nouveaux actes de propriétés ne peuvent être traités en raison de la fermeture des établissements concernés. Elle a également fortement impacté la vie quotidienne des américains, comme le paiement de leurs loyers ou de leurs échéances de prêts, leurs déménagements prévus ou leurs projets d’achats immobiliers.
Alors que de nombreuses personnes choisissent de retarder l’achat ou la vente d’une maison et de rester sur place jusqu’à ce que la pandémie de coronavirus se soit calmée, d’autres continuent d’acheter ou de vendre. Mais à mesure que l’incertitude économique et les préoccupations financières personnelles augmentent, les experts prévoient certains changements sur le marché du logement, même après le pic de l’épidémie, qui affecteront l’achat, la vente, la location et les nouvelles constructions.
Voici quelques changements qui, selon les experts, se profilent pour le reste de l’année 2020.
En ce qui concerne les achats immobiliers :
Au début de 2020, de nombreux économistes s’attendaient à ce que le marché des transactions résidentielles reste sain tout au long de l’année, soutenu par des taux hypothécaires bas.
Lorsque la crise liée au COVID-19 a provoqué une chute spectaculaire des marchés boursiers et la fermeture généralisée d’écoles, d’entreprises et des confinements partout dans le monde, les taux hypothécaires ont d’abord baissé dans un climat de peur généralisé.
Le 4 mars, la société Freddie Mac a indiqué que le taux d’intérêt moyen des prêts hypothécaires à taux fixe sur 30 ans avait atteint un niveau historiquement bas de 3,29 %, ce qui a entraîné une vague d’acheteurs potentiels et de propriétaires se précipitant pour demander un prêt hypothécaire ou un refinancement. Submergés, les prêteurs ont légèrement augmenté les taux à 3,65 % le 19 mars, mais ils ont depuis lors baissé à nouveau à 3,33 % au 2 avril. Les taux hypothécaires sont maintenant inférieurs de plus de 0,5 % au taux en vigueur au même moment en 2019, et ils sont bien en dessous des taux d’un point de vue historique.
Malheureusement, la faiblesse des taux d’intérêt n’a pas permis de soutenir les transactions de maisons. Nous ne savons pas encore s’il s’agit simplement des conséquences du confinement ou bien des préoccupations concernant la stabilité financière et l’emploi, mais le nombre de transactions de maisons a chuté. Dans une enquête menée les 16 et 17 mars par la National Association of Realtors auprès de plus de 3 000 agents immobiliers, 48 % des répondants ont signalé une baisse de l’intérêt des acheteurs de maison en raison de l’épidémie.
“Nous avons vu l’impact du COVID-19 sur l’activité et ce n’est évidemment pas une situation normale. Mais l’activité n’a en aucun cas cessé complètement”, déclare Skylar Olsen, directeur de la recherche économique de la société d’information immobilière Zillow.
Les experts ne sont aujourd’hui pas en mesure d’analyser les exemples historiques pour savoir comment le marché va réagir cette année et sur le long terme. En effet, le marché immobilier est très différent de ce qu’il était il y a plus de 100 ans pendant la pandémie de grippe espagnole. Skylar Olsen insiste cependant sur le fait que l’épidémie de SRAS de 2002 serait le meilleur exemple.
Pendant l’épidémie de SRAS, explique M. Olsen, il y a eu une baisse marquée de l’activité des transactions immobilières dans les régions touchées de la Chine comme on le voit aujourd’hui aux États-Unis. En effet, l’activité des acheteurs a chuté le plus rapidement là où le virus est apparu et où les mesures d’isolation ont été mises en place en premier lieu, soit à Seattle, puis à San Francisco et dans une grande partie du reste de la Californie.
L’analyse des conséquences de l’épidémie de SRAS fait espérer aux experts que le prix des maisons et le marché immobilier en général, ne seront pas touchés de manière significative à long terme. En effet, une fois que l’épidémie de SRAS s’était calmée, les intérêts des acheteurs et des vendeurs de maisons sont revenus assez rapidement, explique M. Olsen.
La question de l’ampleur de l’impact que le marché du logement et l’économie connaîtront dépend de la durée de la crise du COVID-19.
En ce qui concerne les ventes immobilières :
L’activité des acheteurs ayant considérablement diminué, de nombreux vendeurs ont décidé de retarder la mise sur le marché de leur maison, à la fois pour maintenir la distance sociale et pour éviter d’avoir à se déplacer en pleine pandémie.
Cependant, tout le monde ne peut pas se permettre le luxe d’attendre. Daniel de la Vega, le président de ONE Sotheby’s International Realty basé à Miami, affirme que si l’activité a diminué, les agents continuent de montrer des maisons par vidéo et les maisons à vendre sont toujours sous contrat.
En effet, Zillow rapporte que la dernière semaine de mars, par rapport à la moyenne de février, il y a eu une augmentation de 408% des utilisateurs réalisant des vidéos en 3D pour les maisons sur le marché. C’est un point très intéressant : le marché immobilier s’adapte et évolue.
Pour l’instant, le défi des agents immobiliers consiste à s’assurer que les maisons qui sont sur le marché ne le restent pas trop longtemps. Ils s’efforcent de “fixer un prix approprié pour ces maisons afin qu’elles ne restent pas trop longtemps sur le marché”, explique Daniel de la Vega. Comme de nombreux vendeurs potentiels se sont abstenus ces dernières semaines, nous pouvons nous attendre à voir un rebond de l’offre après la pandémie.
Bien que Daniel de la Vega affirme qu’il prépare ses agents à faire face au pire scénario de crise du logement, il reste optimiste et pense que le marché du logement ne souffrira pas trop longtemps. “Je ne pense pas que les prix vont baisser aussi radicalement que les gens le pensent”, dit-il.
En ce qui concerne le marché locatif :
C’est un sujet particulièrement important. Beaucoup d’investisseurs se focalisent sur les variations à court terme des prix immobiliers en oubliant que ce qui importe réellement sont les performances locatives d’un actif.
Une chose est sure : les locataires devraient être particulièrement touchés, car ils représentent une grande partie de la main-d’œuvre affectée par les fermetures d’entreprises, les réductions d’heures de travail et les licenciements. En effet, l’immense majorité de la classe moyenne et populaire américaine est locataire. Les moins solides financièrement se verront fortement affectés, du moins temporairement. Heureusement, le gouvernement a mis en place un solide dispositif pour leur venir en aide, plus d’informations ici.
De nombreux acheteurs potentiels d’un premier logement, en raison des difficultés financières à venir, vont très certainement attendre et rester locataires plus longtemps. Cela signifie que les loyers sont susceptibles d’augmenter dans un avenir proche en raison de la demande continue.
Le ministère américain du logement et du développement urbain a décrété un moratoire sur les expulsions pour tous les biens locatifs assurés par l’Agence fédérale du logement jusqu’à la mi-mai. Les gouverneurs et les maires de tous les États-Unis suivent le mouvement et mettent temporairement fin aux expulsions, et les tribunaux sont de toute façon fermés. Si le chômage reste élevé au lendemain de la pandémie, les propriétaires peuvent s’attendre à une réglementation supplémentaire pour aider les locataires à se remettre sur pied et à éviter l’expulsion.
Pour l’instant, certains locataires semblent tout de même prêts à déménager, indépendamment de la pandémie. Lors d’un sondage réalisé entre le 25 et le 27 mars auprès d’environ 7 000 locataires sur le site d’annonces et d’informations sur les locations RentCafe.com, 52 % ont déclaré qu’ils prévoyaient toujours de déménager dès qu’ils auraient trouvé un appartement, et seulement 10 % ont choisi de mettre leur recherche en attente. L’impact va donc dépendre de la durée du confinement, mais les propriétaires en recherche de locataires devraient pouvoir limiter la casse prochainement.
Bien que le paiement des loyers puisse devenir un problème à long terme si le chômage reste élevé, les propriétaires d’appartements sur le segment « middle market » (intermédiaire, ou abordable) peuvent s’attendre à une demande encore plus forte.
En ce qui concerne les nouvelles constructions et développements :
Depuis la Grande Récession, la construction résidentielle a du mal à répondre à la demande, ce qui contribue à la hausse des prix des maisons existantes dans l’ensemble des États-Unis : En 2019, il y a eu environ 1 370 300 nouveaux permis de construire pour des logements privés. C’est le nombre le plus élevé depuis 2007, selon le Bureau du recensement américain. Mais les nouvelles constructions ne répondent généralement pas à la demande de logements abordables. Les logements construits sont trop chers, et les locataires et propriétaires de la classe moyenne se concentrent sur le parc ancien, malgré une concurrence féroce.
Bien sûr, la pandémie de coronavirus change complètement les perspectives de la construction résidentielle. En particulier, de nombreux États et villes ont adopté des positions très variées sur la question de savoir si la construction résidentielle est considérée comme un service essentiel qui se poursuivra tout au long de la pandémie. La Californie et l’Ohio sont deux États où la construction résidentielle se poursuit, tandis qu’à New York et dans la ville de Boston, la construction a cessé ou se limite aux routes, ponts, établissements de soins de santé et autres projets considérés comme faisant partie des besoins d’urgence.
Des politiques incohérentes d’un État à l’autre pourraient entraîner des résultats très différents en termes de logements neufs disponibles lorsque la pandémie s’atténuera, et donc des variations de prix très localisées.
L’une des principales préoccupations du secteur est le fort taux de chômage et les risques de pertes d’emplois sur le long terme pour les ouvriers déjà fragiles financièrement. Près de 91 % des ouvriers du bâtiment dans le pays travaillent pour des entreprises de 20 personnes ou moins, et ce sont les petites entreprises locales qui sont les plus exposées.
Il est important de souligner ce qu’il s’est passé pendant la Grande Récession, lorsque de nombreux travailleurs de la construction ont quitté le secteur par manque d’opportunités. Nous pouvons nous attendre à une pénurie de main-d’œuvre si la pandémie entraîne l’arrêt de la construction à grande échelle assez longtemps pour que les travailleurs cherchent du travail ailleurs.
De plus, les prêteurs sont déjà plus prudents en ce qui concerne les projets de construction et de développement qu’ils envisagent de financer, dans une économie en pleine mutation.
Quels segments de marchés seront les plus touchés ?
Premièrement, les projets d’immeubles de luxe seront mis en attente si l’obtention de financements devient un problème, explique Barry LePatner, avocat et conseiller en construction. En effet, tant les promoteurs que leurs prêteurs se demanderont si les gens pourront se permettre de payer des loyers exorbitants pour des équipements de luxe.
Deuxièmement, les quartiers défavorisés, les villes sinistrées, et les immeubles accueillant des locataires fragiles seront les premiers touchés par la crise. Dans des zones avec des taux de chômages élevés, des impayés, des dégradations et des problèmes de pauvreté et de délinquance, l’impact sur les valorisations immobilières, les loyers et les performances des propriétaires sera très probablement important. Dans un tel contexte économique, les investisseurs à succès seront ceux qui s’éloigneront des segments à risque.
Conclusion :
Vous l’aurez compris, il y a encore beaucoup d’incertitudes quant à l’impact de cette crise sur le marché immobilier américain. Tout dépendra de la durée de confinement et de son impact sur les entreprises et l’emploi. Les conséquences sur les prix immobiliers et les loyers seront certainement très locales.
En tout cas, il en ressort que sur le long-terme, les investisseurs devraient continuer à prendre positions sur le marché immobilier, devenu une véritable “valeur refuge” face à la perte de confiance des marchés financiers. Cependant, la conjoncture économique va accentuer les risques d’exploitation et de volatilité sur les segments immobiliers les plus fragiles. Les investisseurs à succès seront ceux qui adapterons leurs gestions du risque afin de bénéficier de nouvelles opportunités sur les marchés les plus solides.
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